Vos autres frères et sœurs avec elle ou avec lui

Dans toutes les familles, les frères et sœurs jouent ensemble, se chamaillent, sont par moments complices et par moments rivaux. Il y en a souvent un qui réussit à se défiler lorsqu’il s’agit de rendre service, et un autre qui est valorisé pour sa serviabilité. Des clans se forment parfois. A l’âge adulte, les liens évoluent encore, au gré des circonstances.

Les f/s vivent chacun à leur manière le handicap de l’un d’eux, et vous pouvez constater que les autres ne réagissent pas toujours comme vous. Il n’est pas rare de voir que chacun prend un rôle différent. L’un peut se sentir investi de responsabilités et même trouver qu’il a beaucoup à porter sur les épaules. Un autre paraît moins engagé, mais il n’a peut-être pas trouvé de place dans ces relations qui se sont spontanément organisées ainsi.

En l’absence des parents, vous comptez sans doute sur vos autres f/s pour ne pas être seul à vous charger des responsabilités liées au handicap. Vous êtes parfois déçu ou énervé par eux ou au contraire admiratif de leurs initiatives ou de leurs capacités.

L’un d’eux peut traverser des phases difficiles et attirer l’attention sur lui d’une manière ou d’une autre. Cela permet parfois aux parents de prendre conscience qu’il n’est pas toujours simple de vivre le handicap d’un f/s.

La survenue d’une crise peut parfois faire du bien et permettre ensuite de grandes discussions en famille, avec ou sans une aide extérieure.

Anonyme, sœur de Kevin, atteint d’un handicap mental :

Heureusement, maman a fait des démarches et a trouvé une école spécialisée pour Kévin. Puis il a intégré un centre près de la maison et rentrait tous les soirs. C’était difficile pour maman d’autant que nous étions 4 enfants. Malgré cela, je n’ai jamais vécu le handicap de mon frère comme une souffrance. Je dirais même que cela m’a apporté quelque chose en plus dans la vie. Aujourd’hui, j’en ai fait mon métier. Je m’occupe en effet d’adultes handicapés. Mon vécu du handicap de Kévin est totalement personnel. Pour mes deux autres frères c’est plus difficile. Ils avaient sans doute d’autres attentes par rapport à Kévin. (76)


Jean-Louis :

Ayant été le dernier de la famille, j’ai été soustrait aux charges que représentait de superviser la toilette, l’habillement, chose qui n’a pas échappé à ma sœur aînée… Cette sorte d’immunité associée aux absences de réponse m’a alors décidé à m’enfermer dans une sorte de cocon. Le retour à la réalité aura tardé, cependant il est arrivé, presque inexorablement. Aussi, des années plus tard, « après une course folle dans l’absurde », Jean-Louis finit-il par s’entendre dire par l’aînée de la fratrie : « Pour Françoise, on est impliqué à 50/50 alors tu prends tes responsabilités et tu les prends maintenant ! «  (82)


Marion, 25 ans, sœur de Pauline, 24 ans, atteinte du syndrome de Down, et de Louise, 21 ans :

Ma sœur Pauline et moi avons partagé la même chambre jusqu’à l’âge de 6 ou 7 ans, nous jouions beaucoup ensemble. J’étais très protectrice avec elle, et c’est en voyant le regard des gens posé sur elle dans la rue que j’ai vraiment compris sa différence. Quand des enfants de son âge allaient à l’école, je me disais qu’elle aurait pu être dans leur classe et je trouvais cela injuste. Je ressentais la tristesse de mes parents et j’ai toujours voulu les aider, pour compenser un peu. Ils étaient contents que je m’occupe de Pauline alors qu’ils ne me l’avaient pas demandé. J’étais l’aînée, je me disais que c’était à moi de le faire, et non à notre sœur Louise, qui était plus jeune. Je le faisais pour mes parents, mais aussi pour me déculpabiliser d’avoir une vie normale, au contraire de Pauline. Je continue encore aujourd’hui à regretter qu’elle n’ait pas la même liberté que moi. Elle ne pourra jamais tout quitter pour faire le tour du monde. Ma sœur a trouvé sa place et est heureuse dans son centre, mais je ne peux m’empêcher de comparer parfois ma vie et la sienne. (91)