Temps pour surmonter l’annonce

Quand le handicap survient dans la vie d’une famille, souvent de manière imprévisible, il prise l’équilibre dans lequel chacun se trouvait. Parfois, le diagnostic vient confirmer ce que l’on suspectait depuis longtemps, ou apporter une explication aux difficultés rencontrées depuis quelques temps. Les parents se retrouvent, brutalement, à faire le grand écart entre l’avenir qu’ils avaient imaginé et celui qu’ils entrevoient alors.

Chacun réagit de manière unique. Vous pouvez, par exemple, avoir l’impression de vivre dans une illusion et souhaiter vous réveiller pour constater que rien de tout ça ne s’est passé ; vous pouvez penser que le médecin s’est trompé ; vous pouvez vous sentir envahi par le désespoir, par le fait de ne pas voir la fin du tunnel ; vous pouvez vous sentir soulagé par une réponse trouvée ; etc. Toutes ces réactions sont naturelles et permettent de faire face à une situation qui vous a laissé totalement démuni.

Le temps qui vous sera nécessaire variera selon votre histoire personnelle. Mais il va aussi dépendre des rencontres que vous ferez, des paroles que vous entendrez (ou que vous serez prêt à entendre) et qui vous apporteront un éclairage nouveau et différent.

Une maman :
« Après quatre ans et demi de « parcours du combattant » pour notre fils atteint d’une maladie neurologique orpheline, nous regardons derrière nous et nous nous demandons « comment a-t-on fait ? »… Tant de journées et de nuits passées à l’hôpital, tant de nuits blanches, tant de situations d’urgence à gérer depuis la maison, tant de questions sans réponses, tant de professionnels à mettre en place autour de notre enfant… Et tout ça en essayant de garder une vie de couple et une vie sociale épanouissantes! Il faut se rassurer car l’être humain a une très grande capacité d’adaptation. Nous trouvons une énergie folle au fond de nous quand il faut se battre pour notre enfant ! Il faut aussi accepter que les hauts soient parfois suivis de bas et profiter pleinement de chaque minuscule moment de bonheur : une nuit sans être réveillé par les pleurs de notre enfant, une balade d’une heure au soleil avec lui, une semaine sans voir de médecin. » 183


Un Papa :
« Nous devions relever la tête et les manches, nous n’avions guère le choix. Les yeux bleus de notre fille formaient deux oasis dans lesquelles il faisait bon puiser notre énergie. Coûte que coûte, notre princesse était bien décidée à croquer la vie. Et il ne fallait rien d’autre que ses sourires pour soigner nos blessures Entre larmes et colères, le rire parvenait à se faufiler doucement et reprenait ses droits » 8


Anonyme :
Tant que nous avons vécu notre fille comme amputée de l’intelligence, comme la victime d’une monstrueuse injustice, non seulement nous ne l’avons pas reconnue dans sa vérité à elle, mais nous l’avons empêchée de se reconnaître elle-même à la façon qui lui est propre, d’épanouir toutes les possibilités que porte en elle une personne handicapée. 9


 La Maman de Simon :
Comment faire face à ce genre de situation ? Il n’y a pas de recette miracle. Dans l’absolu, il faudrait garder son calme et ouvrir un dialogue. Quand on est à la piscine, soit on nage soit on coule. Moi, j’ai choisi de nager le plus loin possible. 10


 Ruggiero Raimondi, chanteur :
J’ai un fils trisomique. J’ai été très choqué à la naissance. Le médecin qui était là m’a dit que ce serait un végétal toute sa vie. S’il le voyait aujourd’hui… En fait, j’ai eu la chance d’avoir été éclairé par un professeur, qui m’a fait réaliser que c’était un enfant comme les autres, qu’il pourrait être heureux.
Aujourd’hui, il est heureux.
Je voudrais seulement dire que Rodrigo est pour moi une grâce. Qu’il ne faut pas avoir peur d’avoir un enfant trisomique. Parce qu’il nous apporte énormément. Parce que nous devrions spontanément les aimer. Le problème vient de nous, il ne vient pas d’eux.
Il ne faut pas avoir peur de mettre son enfant en contact avec le monde. Moi qui suis timide, j’avais peur de le faire sortir avec nous, mais ma femme m’a convaincu. J’ai vu que Rodrigo aimait beaucoup rencontrer les gens et qu’il se faisait toujours accepter. Nous l’emmenons le plus possible avec nous.
Et puis, je crois que mère Térésa avait raison lorsqu’elle disait que ces enfants étaient des professeurs d’amour. Leur pureté est déroutante : en société, mon fils sait ceux qui l’aiment et ceux qu’il gêne. Son dynamisme et sa joie de vivre sont exemplaires et épuisants. » 11


 Anonyme :
Par rapport à ma propre expérience, je dirais une seule chose aux autres parents : oui, on peut être révolté par le handicap de son enfant qui apparait comme une injustice inacceptable, oui, on peut se sentir coupable, mais on perd hélas beaucoup d’énergie face à quelque chose contre lequel on ne peut rien. Oui le handicap est injuste et on peut toujours chercher le « pourquoi ? », mais quand il est là et « qu’on fait avec », la vie continue, riche d’une expérience unique qui s’appelle : la Vie ! Et je peux vous assurer que pour tout l’or du monde, je ne voudrais pas revenir en arrière. Oui, on peut vivre heureux avec un enfant « handicapé ». Oui, une personne handicapée peut vivre heureuse. 12


Un papa :
Dès que le mot « aveugle » m’a été prononcé, une peur m’a envahi. J’ai mis des années à comprendre pourquoi. J’avais sept ou huit ans. J’étais obligé de prendre le thé avec Mr L., un accordeur de piano qui venait à la maison tous les six mois. Ce fut la seule personne aveugle qu’il m’ait été donné de rencontrer. Cet homme me faisait peur. Sa voix si retenue et son toucher si prégnant étaient des modes de communication en totale opposition avec l’enfant que j’étais. Quant à son regard caché derrière des lunettes noires, il me donnait l’impression paradoxale et désagréable d’être en permanence surveillé, disséqué. Voilà à quoi se résumait pour moi l’image d’un aveugle jusqu’à ce jour où… 13