Le choc de la découverte

Lorsque le diagnostic vous a été annoncé, vous avez probablement reçu l’information comme un choc. Quoi de plus normal. Tous les témoignages parlent de l’annonce en termes de « bombe », « séisme », « tsunami », « trou noir », « fin du monde »…

Dès que le diagnostic est énoncé, on peut devenir incapable d’entendre la suite des explications, tant le choc est violent, et tant les questions se bousculent de manière désordonnée dans la tête, voire tétanisent l’esprit. On appelle cela un état de sidération.

Les réactions émotionnelles peuvent être extrêmement fortes, déconcertantes et accompagnées de manifestations physiques. Il est essentiel de reconnaître que l’on peut être en état de choc, que l’on a subi un traumatisme psychique et de se donner du temps et des moyens pour digérer cela.

Il peut donc être utile et légitime de demander à revoir le professionnel afin de pouvoir réentendre les explications et poser toutes les questions qui vous viendraient par la suite.

Cet état de choc fait aussi que de nombreux parents ont l’impression que la manière dont leur a été annoncé le diagnostic a été brutale et inhumaine. Nous ne prétendons pas ici qu’il ne peut pas y avoir de maladresses de la part du professionnel, mais comment dire ces choses sans blesser et provoquer ce choc ?

Mme Line Petit, psychologue :
Ca fait comme un blocage, un petit peu comme dans une maison, si vous allumez toutes vos lumières et si votre compteur n’a pas la puissance nécessaire, c’est le noir. Eh bien, c’est pareil : il y a une incapacité à penser et les parents vont s’obstiner à rester sur une phrase. On aura beau leur expliquer plein, plein de choses, ils n’entendront pas. 56


Le papa de Pierre :
J’allais être l’homme le plus heureux du monde, avec le plus beau bébé du monde et je me suis retrouvé sur un ring, le médecin avait des gants en face de moi. Il a frappé. J’étais K.O., en sang, en sueur. Quand j’ai repris mes esprits, il y avait Pierre qui criait. 57


Dr Yvette Gauthier, pédiatre :
Souvent les gens pâlissent, rougissent. Ils ont des manifestations somatiques, des manifestations émotionnelles, ils se mettent à pleurer ou on sent que leur voix ne peut plus sortir, ils sont arrêtés dans leur discours. Et là, on ressent très bien le moment de bascule où le parent a compris. Et si on en ajoute, on essaye d’expliquer encore plus la pathologie, les parents n’entendent plus. On sent très bien, avec un peu d’expérience, qu’il est temps d’arrêter. Au calme, on attend, on arrête, on se reverra, on redonne un rendez-vous. 58


Marilyne V. (Maman) :
Ce qui m’a permis selon moi en partie d’accrocher la margelle du puits qui défilait toujours, c’est donc cette perception d’impuissance partagée finalement. En tout cas c’est ainsi que je ressens les choses. En le regardant, j’ai pensé à ce moment précis que ce médecin aurait préféré être ailleurs. Que cela semblait aussi pénible pour lui d’avoir à dire ce qu’il avait à nous dire, qu’à nous de l’entendre. Finalement, toutes les personnes qui étaient dans ce bureau m’apparaissaient être dans la même galère d’une situation désespérée, à laquelle il y avait pourtant lieu de faire face. Chacun avec son vécu, chacun avec ses attentes et ses contraintes,… mais nous, parents, nous n’étions pas seuls. 59


Denis R. (papa) :
Vendredi, le médecin m’a appelé au bureau et m’a dit : Bonjour, voilà, j’ai les résultats pour votre fille, c’est bien le syndrome d’Angeleman, nous avons rendez-vous lundi, non, mardi. Donc, annonce très sèche, brut de décoffrage, très professionnel en même temps, moi, je ne tiens pas du tout rigueur au généticien d’avoir annoncé ça comme cela. C’était comme plonger la tête dans une eau glacée, donc j’ai appelé mon épouse et puis voilà. Nous voilà partis à pleurer tout le long de l’après-midi, à pleurer un petit peu moins le samedi et puis à ne plus pleurer le dimanche. 60