Quelles seront les conséquences pratiques de cette déficience dans la vie du patient et de sa famille ?

L’annonce d’un diagnostic de déficience peut entraîner de nombreuses conséquences sociales et provoquer une quantité d’obstacles et de changements radicaux dans la vie du patient et de sa famille :

  • La restructuration / l’adaptation de la vie familiale, du lieu, voire le déménagement pour pouvoir accueillir l’enfant déficient ou pour se rapprocher d’un centre éducatif, de soins ou de vie adapté.
  • L’adaptation des projets de vie (voyages, un nouvel enfant etc.).
  • Le dialogue dans le couple, avec pour conséquence, la consolidation des liens ou au contraire de grosses difficultés. Il est très fréquent à ce propos d’observer des réactions différentes de la part des deux parents.

Nathalie (Maman) :
Je me sens seule car je me sens être le pilier de cet édifice fragile, alors je ne peux pas, je ne dois pas montrer mes incertitudes, mes doutes, ma colère. (…) Seule, avec mon mari qui, face à cette enfant, ne sait pas quoi faire. Je constate que pour un homme c’est encore plus difficile. L’approche de son enfant handicapée n’est ni innée ni évidente. Il n’ose pas et, désespéré, il préfère feindre l’indifférence tellement la douleur est forte, vive, permanente, intraduisible. (46)


Dr Db :
Ce qui est très difficile pour le soignant, c’est de voir, après plusieurs entretiens, le couple continuer à réagir de façon très différente vis à vis du nouveau-né et émettre des opinions tout à fait divergentes quant à l’accueil ultérieur de l’enfant. La charge émotionnelle est très forte. Une prise en charge multidisciplinaire est plus que jamais indispensable dans ces moments. (47)

  • L’absence de soutien des proches et des amis, la difficulté d’en parler.

Anonyme :
Quand le diagnostic a été posé, il a fallu ensuite informer les proches, les amis, et faire face à leur maladresse. Certains sont venus « voir » au début mais une grande majorité a disparu de notre environnement. (48)

  • Le malaise (parfois réciproque) dans les relations avec l’extérieur, la confrontation au regard de l’autre dans les lieux publics, à son incompréhension, avec comme conséquence l’isolement et le repli familial.

Jean-Marc (papa) :
Progressivement, des comparaisons commencent entre nos enfants et le fils ou la fille de nos voisins, de nos amis…Leurs enfants évoluent plus vite que le nôtre, les différences augmentent et se précisent ! Le retard de l’apprentissage de la marche et l’absence de langage seront les premiers signes d’alerte que notre enfant devient, petit à petit, différent des autres enfants.(49)


Nadège :
Dur, le regard des autres. Peu après la naissance de Thierry, dans la rue, une vieille dame a lancé : « Pourquoi les gynécos ne font pas partir ces enfants ? Combien ça va coûter à la Sécurité Sociale ? » (…) Mais Thierry nous a apporté beaucoup. A commencer par la tolérance. (50)

  • La place de la fratrie (le vécu par rapport à l’annonce, la place du frère ou de la sœur déficiente, le manque de répit et de moments accordés à la fratrie, les moqueries à l’école…).

Mathilde (17 ans) :
C’était en primaire. Les gens ne me croyaient pas. Pour moi, mon frère était aveugle, c’était un fait, je ne pouvais rien faire pour lui. J’allais pas le dire en larmoyant. Je le disais simplement, mais eux me répondaient : « Arrête de mentir, c’est pas vrai ». Je répondais : « tu me crois ou tu me crois pas, je dis les choses comme elles sont ». Parfois, la réponse était : « très drôle ! », parce que c’est pas des choses courantes. Parfois les gens trouvaient cela limite choquant, en tout cas les parents, quand je leur disais que j’avais un petit frère aveugle, ils réagissaient : « Ah bon ! Oh, le pauvre ! ». (51)


Eva (12 ans) :
Je crois que maintenant cela va beaucoup mieux mais pendant une petite période, je crois que c’est vers 7, 8, 9 ans que cela a été le plus dur. Pendant cette période-là je n’arrivais pas à comprendre pourquoi mon frère avait plus d’intérêt que moi. (52)

  • L’absence ou les rares possibilités de répit.

Nathalie (Maman) :
Même notre couple « s’handicape ». On se focalise sur notre enfant à l’affût du moindre progrès et on en oublie le reste : l’homme, la femme, le couple, la vie. (53)

  • L’aspect financier, lié au coût de certaines thérapies peu ou pas remboursées, ou lié à la perte forcée de son emploi, incompatible avec le temps nécessaire à l’accompagnement de l’enfant dans les processus thérapeutiques et éducatifs. (Ce que l’on appelle la situation d’ « aidant proche »).
  • La recherche d’une structure (scolaire ou de vie) adaptée à l’enfant.
  • L’inquiétude face à la perspective de « l’après eux » (possibilités d’accueil décent et adapté à l’enfant devenu adulte).

Un papa :
Bien qu’il n’ait que six ans, je suis constamment “malade” à l’idée qu’adulte, mon enfant soit parqué loin des regards, dans un centre que l’on dit ouvert, mais où personne ne se rend. (54)
Réfléchir au préalable aux conséquences du diagnostic tant pour le patient que pour ses proches, peut permettre de mieux appréhender les enjeux auxquels ils seront confrontés.