Quels sont ou seront mes besoins ?

En regard de l’ensemble des questions et réflexions précédentes, une préparation « technique » de la rencontre vous sera utile afin de répondre autant à vos besoins, qu’à ceux du patient et de sa famille.
Ainsi, il s’agira de vous poser différentes questions au préalable, concernant : l’encadrement (l’équipe et le rôle de chacun), le moment choisi pour l’annonce, le lieu de la consultation, le temps imparti, les documents à votre disposition pour exposer le diagnostic et enfin, le choix d’un soutien sur le plan émotionnel.

Avec l’aide de qui ?

Il convient ici de distinguer deux situations, selon que vous travaillez en milieu hospitalier ou en consultation privée.

En milieu hospitalier :

De quelle équipe aurai-je besoin ? (psychologue, assistant(e) social(e), infirmière, collègue, …) ? Quel sera le rôle de chacun avant, pendant et après l’entretien ? Doivent-ils tous être présents ?

Selon chaque situation, il importe de réfléchir aux professionnels qui devraient être présents. Aux yeux du patient et de sa famille, un grand nombre de personnes réunies peut être ressenti comme synonyme de gravité ou évoquer un tribunal, ce qui exclura l’intimité et de ce fait pourrait entraver la libre parole.

De nombreux écrits à ce propos conseillent de limiter le nombre d’intervenants dans la pièce, tout en veillant à ce que les autres professionnels “ressources” se tiennent à disposition en cas de nécessité.

Une assistante sociale :

Chaque famille est différente et a des attentes différentes de ces rendez-vous. La plupart des familles que je rencontre préfèrent être en « petit comité » avec des professionnels qu’elles connaissent. D’expérience, il n’est pas rare, lorsqu’il y a plusieurs professionnels présents, que c’est seulement au moment où je raccompagne les parents en fin de rendez-vous, qu’ils osent poser des questions. Trop de monde peut les intimider et les parents ressortent déçus de ne pas avoir pu ou osé prendre la parole. (14)

En consultation privée :

A qui puis-je faire appel ?

En l’absence d’une équipe pluridisciplinaire, vous êtes amené à embrasser tous les rôles (annonceur, psychologue, assistant social). Cependant, vous pourriez souhaiter obtenir de l’aide.
Il vous est possible, pour ce faire, de contacter un centre de référence sur la pathologie concernée, un service d’aide précoce et d’accompagnement, un service social.

Quand ?

Ayant connaissance du diagnostic, quand dois-je organiser le rendez-vous avec le patient et sa famille ?

Le choix du moment de l’annonce peut être évalué selon une éventuelle urgence, qu’elle soit médicale ou psychologique (attente pénible pour le patient et sa famille). De même, et nous y reviendrons, le moment sera choisi en tenant compte de la disponibilité de toutes les personnes concernées. Enfin, il est important de pouvoir assurer une disponibilité dans les jours qui suivent l’annonce, afin de répondre à d’éventuelles questions.

Véronique L., infirmière :

Un malaise s’installe aussi quand les soignants connaissent le diagnostic de l’enfant alors que les parents l’ignorent encore. Ils ont l’impression de cacher quelque chose aux parents mais il vaut mieux une annonce différée qu’une annonce arrivée au mauvais moment ou trop tôt ou trop brusque, ou trop rapide. (15)


Marilyne V. (Maman) :

Par écrit, un rapport de bilan QI désastreux m’a été envoyé par courrier le jour de Noël. Je n’étais pas censée en connaître la signification puisqu’il ne contenait qu’une succession de chiffres. (16)

Où ?

Dans quel local va se dérouler la rencontre ?

Le diagnostic doit pouvoir être posé dans un lieu qui offre un minimum d’intimité en termes de calme et de confort. Les coups de téléphone, les passages ou entrées intempestives dans le local sont à éviter afin de ne pas interrompre ni perturber l’annonce.

Léa M (Maman) :

Quand j’ai accouché cela s’est très mal passé, j’ai eu de gros malaises. Au bout d’une semaine, on a fini par me dire qu’il avait un problème, qu’il était « mort né », mais qu’au final « il fera de grandes études ou sera un légume », dixit un médecin. Pas de psychologue, pas d’entretien à part. Tout dans le couloir. (17)

Combien de temps ?

Quelle tranche horaire ai-je à ma disposition ?

La période de temps prévue dans une consultation n’est en général pas appropriée à l’annonce du diagnostic. Pour éviter le stress dans la perspective des rendez-vous suivants, vous pouvez envisager de prévoir une marge de temps suffisante, vous pouvez aussi fixer le rendez-vous en fin de consultation ou en dehors des horaires habituels.

Florence M. (Maman) :

C’est des rapports médecins – infirmières : toujours pressés. Les aides soignantes ? Pareil. Les puéricultrices ? Très peu. Dans la mesure où Guillaume était très peu actif, il n’y avait pas trop d’intérêt à s’occuper de lui. (18)

Quelle documentation ?

De quels supports didactiques puis-je disposer ? Et avec quels mots ?

Les parents et a fortiori un jeune enfant, ne sont pas des professionnels de la médecine. Se pose donc le problème de l’expression. La terminologie médicale reste indispensable mais elle sera adaptée et rendue compréhensible à l’aide de tout support didactique possible : livre, dessin, photo, moulage, image, radiographie, vidéo etc. Comprendre les tenants et aboutissants d’un diagnostic est primordial pour le patient et sa famille. Nul ne peut s’investir dans une démarche qu’il ne comprend pas.

Florence M. (Maman) :

Il y a certains médecins qui se sont volontiers mis à notre niveau, avec certaines images concrètes pour expliquer tel ou tel examen ou tel ou tel aspect de Guillaume. Et puis, il y en a d’autres, il a fallu un petit peu demander plus de détails, plus d’explications. Je me souviens du chef de clinique, quand on était en pédiatrie. Je crois qu’une fois on lui a dit : « On n’est pas des étudiants en médecine », il a fallu qu’elle trouve d’autres mots pour nous expliquer ce que Guillaume avait. (19)


Francis D. (Papa) :

Cette visite nous a amenés tout droit en urgence en consultation neurologique, afin d’effectuer un électroencéphalogramme (EEG). Le diagnostic est tombé : une épilepsie blanche liée à des lésions cérébrales. C’est alors que nous avons fait le lien avec les  » lésions paraencéphaliques multikystiques périventriculaires  » mentionnées sur le carnet de santé, mention que personne ne nous avait spécialement renseignée. Plus tard, lors de l’examen du 9e mois, la définition s’est précisée lorsque la pédiatre s’est excusée d’avoir dû cocher la case  » Infirmité motrice cérébrale « . Jusqu’ici, rien de bien méchant, il y avait juste de  » petites  » zones du cerveau qui avaient été abîmées. (20)


Sarah R. (Maman) :

l y avait une certaine réserve par rapport aux mots, c’est à dire qu’ils utilisaient le mot « lésion », ils m’ont montré les radios en m’expliquant qu’il y avait une lésion qui était ici, etc. . Au départ, ça m’a brusquée puisque j’avais l’impression qu’une lésion, c’est externe, donc je n’arrivais pas à m’imaginer une lésion interne. Au départ, je n’ai pas tout de suite compris que c’était une tumeur. Ils ont choisi leurs mots au départ, et le fait que ce soit moi qui ai dit d’abord le mot « tumeur », ça a peut-être aussi changé les choses. Ça m’a peut-être permis de le prendre différemment, moins brutalement. (83)


Martine (Maman) :

Pour moi, le paradoxe de l’annonce, c’est qu’il n’y en a pas eu. Ma fille a été hospitalisée d’urgence à l’âge de 1 mois pour une encéphalite, mais je n’ai jamais eu d’information médicale sur les séquelles possibles. Toute l’équipe est restée évasive, et nous nous sommes retrouvés complètement démunis, dans une grande solitude. J’ai l’impression que c’est plus difficile de ne pas savoir contre quoi on se bat. (84)


Mme & Mr. Barret (parents) :

« Atteinte du système nerveux central », ça va encore, mais il y avait des mots complexes. Des mots que l’on ne connaissait pas. (85)

Quel soutien personnel ?

Si l’exposé du diagnostic s’annonce pénible, aurai-je un collègue ou un psychologue à ma disposition pour partager mes impressions ?

Après l’annonce, il est peut-être souhaitable de pouvoir partager votre vécu et votre ressenti avec un collègue ou un psychologue qui pourra vous assurer un soutien. Il est donc nécessaire d’avoir recherché au préalable cette personne ressource.

Mme Catherine Galloch, sage-femme :

On peut en parler à la psychologue du service qui est là avant tout pour les parents. Il m’est arrivé de lui parler de mon ressenti et de ma souffrance, de lui dire : « Franchement, c’est dur à supporter ! ». Elle nous aide à dédramatiser. Mais bon, elle est là avant tout pour les parents qui sont bien prioritaires sur nous. (21)


Dr J.-C. C., chef d’un service de pédiatrie générale et de néonatalogie :

Après avoir annoncé un handicap ou une grave maladie, je passe une mauvaise nuit, et j’en parle dans ma famille. J’en discute aussi avec les collègues et l’équipe. Ces habitudes de réflexion autour d’un café servent à passer le relais après une garde mais nous avons également besoin de partager ce qui nous a touchés. (22)