Peut-on vivre heureux avec un handicap

Une déficience ou des handicaps sont des épreuves et des obstacles dans une vie. Certaines personnes en sont profondément affectées et malheureuses leur vie durant, mais nombreuses aussi sont les personnes concernées de même que leurs proches qui sont profondément heureux de vivre et y ont puisé une raison d’être. Le combat contre ce « coup du sort » devient une source d’énergie et d’engagement. Il suffit d’observer que la majorité des réalisations autour du handicap (associations, écoles, centres de vie et tant d’autres actions) existent grâce à l’initiative de parents ou de personnes en situation de handicap.

S’il n’est nul besoin de déficience ou de handicap pour être malheureux, inversement, le bonheur peut pleinement se vivre en ayant une déficience et des handicaps.

Qui d’autre que les personnes concernées peuvent le mieux en témoigner :

Claire, tétraplégique :
Personnellement, je n’ai jamais regretté d’être née. Je connais tellement de gens valides et qui se plaignent que leur vie est nulle ou ennuyeuse… Moi, je suis plus heureuse que certaines personnes qui s’occupent de moi et ça les agace. Elles me trouvent naïve et me reprochent de ne rien connaître de la vie, parce que je n’ai, disent-elles, jamais eu de problème ! 117


Faouzia :
Le quotidien n’est pas rose, mais je n’oublie jamais ce que m’a dit mon fils prisonnier total de son corps et du bon vouloir d’une tierce personne : « Heureusement que tu n’as pas su que j’étais porteur d’une maladie génétique et que tu n’as pas avorté. La vie est belle et vaut la peine d’être vécue quelles que soient les circonstances. » 179


Alexandre Jollien (IMC & Philosophe) :
Tout ce que je construis, je l’arrache, pour un temps, à l’emprise de la souffrance ; toute la joie que je donne, je l’oppose à la tristesse, à la solitude. 82


Nathalie :
Où en êtes-vous dans votre cheminement ? Écoutez votre for intérieur, demandez-vous si vous pourrez vous occuper d’un enfant qui ne demande qu’une place parmi nous et si vous êtes prêt à l’accompagner un bon bout de chemin. Il y a une chose dont je puis vous assurer, c’est qu’à moins d’être « inhumain », « insensible » ou « dégoûté par la différence » … votre enfant vous rendra au quintuple l’amour et l’affection que vous lui donnerez et vous prouvera sa volonté d’apprendre et de vivre. Tout n’est pas rose, comme pour tout dans la vie, c’est juste un peu différent des autres tracas assez habituels. Renseignez-vous !!! C’est juste l’avis d’une maman qui ne regrette nullement la trisomie de son enfant et qui l’aime et l’accepte comme il est venu. 6


Claire :
Un troisième enfant maintenant ? Je ne me voyais vraiment pas, à 39 ans, en train de donner le biberon ou me relever la nuit pour calmer les pleurs d’un bébé.
Ca peut paraître égoïste, mais je voyais les choses comme ça. Je me rappellerai, toujours le visage fermé de ma gynéco devant l’écran où elle voyait mon bébé. “Toujours décidée pour l’IVG ?” m’a-t elle demandé. J’ai fait oui de la tête. “ C’est sans doute mieux comme ça, a-t-elle dit, cet enfant ne se développe pas normalement.”
Elle a voulu m’expliquer sur l’écran ce qu’elle voyait d’anormal. Je l’écoutais à peine. Cet enfant, j’avais soudain envie de le garder. Peut-être parce qu’il avait un problème, parce que je me sentais responsable de lui, ou tout simplement parce que je me rendais compte qu’il avait déjà une existence…
En rentrant à la maison, je n’arrêtais pas de me répéter : “Claire, tu ne peux pas faire ça, cet enfant a besoin de toi.” Quand j’en ai parlé à mon mari, il m’a regardée avec des yeux ronds.
Connaissant mon caractère têtu, mon mari n’a pas insisté. Il devait se dire que c’était une lubie, qu’après d’autres examens, je me rendrais compte de mon erreur, qu’il serait encore temps pour un avortement thérapeutique. C’est aussi ce que m’a proposé ma gynéco à mon quatrième mois de grossesse.
Claire, maintenant, c’est certain, le cerveau de votre bébé est touché, mais dans quelles proportions, je ne sais pas.” Loin de me décourager, ce pronostic me donnait encore plus envie de mettre au monde ma fille.(…)
Marion a trois ans aujourd’hui, et mon choix de la garder, je ne l’ai pas regretté une seule seconde, même si notre fille souffre bien de problèmes neurologiques… Elle ne parle pas très bien, elle a du mal à coordonner ses mouvements, comme si ses gestes ne répondaient pas à ce que lui commande son cerveau, et, du coup, elle casse beaucoup de choses. Mais que sont ces petits inconvénients par rapport à tout ce qu’elle nous a apporté ? A l’amour qu’elle nous donne ?
Charlotte et Louis ont pour leur petite sœur une véritable adoration, jouent avec elle, sont d’une patience formidable…Son comportement un peu bizarre ne les gêne pas du tout, au contraire : ils l’aiment encore plus parce qu’ils se sentent responsables. Grâce à eux, Marion fait beaucoup de progrès.
Quant à moi, c’est bien simple, Marion m’a transformée. Ce sont toutes mes valeurs qui ont été bouleversées. Avoir de l’argent, une position sociale, tout ce dont j’étais si fière ne compte plus. Je me moque que certaines de nos relations se soient détournées de nous parce que la présence de notre fille les gênait – l’une de mes ex-amies a même osé me dire qu’elle nous plaignait d’avoir une enfant handicapée !
Avec Marion, j’ai appris le sens des priorités. Un “Je t’aime, maman” prononcé maladroitement, un petit exercice qu’elle réussit après dix échecs, la voir jouer heureuse dans le jardin avec son frère ou sa sœur…voilà ce qui compte ! Je suis devenue quelqu’un de meilleur, de plus profond, et ça, c’est à Marion que je le dois … » 126