PREAMBULE

@Mathilde Boland

Ce site vous propose d’aborder concrètement l’annonce du diagnostic en quatre étapes chronologiques* :

  • avant l’annonce
  • au moment de l’annonce
  • en fin de rencontre
  • après celle-ci

A chacune de ces étapes, des questions vous seront posées vous concernant, concernant la déficience et concernant le patient et sa famille, ceci afin de vous permettre de réfléchir méthodiquement et de cerner au mieux la situation à laquelle vous pourriez être confrontés.
A ces questions répondront aussi des réflexions et des témoignages de professionnels, de patients et de parents, réflexions qui vous permettront d’améliorer vos connaissances et votre compréhension des enjeux.

*Si cet ordre chronologique correspond à une situation courante, toutes ces étapes n’apparaissent pas toujours aussi nettement. Nous pensons notamment à la situation particulière d’un diagnostic que vous soupçonneriez ou que vous découvririez en présence du patient, lors d’échographies par exemple.

ENJEUX : Le poids et le sens des mots.

Deux notions clés reviendront très régulièrement en ces pages : la notion de « déficience » et celle de « rencontre ». Quelques explications s’imposent.

La problématique du handicap est d’une rare complexité tant elle engage des questionnements et des enjeux fondamentaux, sociétaux, voire existentiels.

La terminologie « annonce du handicap » est en soi déjà lourde de sens… et erronée !
Lorsqu’un diagnostic est posé, il s’agit avant tout d’un constat de déficience, selon des normes*.
Le handicap pour la personne et sa famille est la conséquence de la déficience. La gravité du handicap ne dépendra pas uniquement des capacités de la personne et de son entourage à faire face à la déficience et à ses conséquences, mais aussi de la capacité de notre société à les réduire, à les aider ou à les soulager.
Le but n’est pas de nier ici la réalité ni de refuser l’utilisation du terme « handicap » qui est bien réel et intimement lié à la déficience mais de prendre la mesure de la charge émotionnelle et des sombres perspectives que véhicule la déficience, dans le conscient et l’inconscient collectif, le handicap étant vécu comme une fatalité. Cette perspective touche autant le patient ou sa famille que le professionnel et la société en général. C’est dire si au simple énoncé de l’« annonce du handicap », nous entrons dans une perspective négative. Pour cette raison nous emploierons la terminologie « annonce de déficience » en ces pages, avec une volonté réelle d’ouvrir la réflexion sur des horizons un peu plus positifs.

De même et dans un sens large, il n’est nul besoin d’avoir une déficience pour être en situation de handicap. L’Organisation Mondiale de la Santé* (OMS) a défini le « handicap » en opérant la distinction entre trois terminologies :

  • La déficience : toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique (aspect biomédical) ;
  • L’incapacité : toute réduction (résultant d’une déficience) partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain (aspect fonctionnel) ;
  • Le désavantage : résulte d’une déficience ou d’une incapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle normal en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels (aspect social).

*La « CIF » (Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé – édité par l’OMS en 2001) a réalisé, à propos des terminologies, une grille d’analyse contextuelle, qui aborde les notions de : « déficience », « capacité », « limitation », « restriction », ainsi que l’analyse des « facteurs environnementaux » et des « facteurs personnels ».

  • Ce mot simple de 10 lettres (« handicapée »), j’ai mis 5 ans avant de pouvoir le prononcer tellement il est violent, noir et brise l’espoir de l’enfant rêvé. (1)

  • « Un enfant trisomique sur 4 est abandonné à la naissance en 1996, dans la région Ile-de-France (…) La manière dont l’annonce est formulée entraîne un pourcentage d’abandons d’enfants très variable d’une maternité à l’autre. C’est dire l’importance des premiers mots tenus aux parents » (2)

CONTEXTE DE L’ANNONCE : L’histoire d’une rencontre.

De la suspicion d’une déficience à l’accompagnement des handicaps.

La relation au « patient » s’inscrit dans un rapport professionnel qui peut faire oublier qu’annoncer un diagnostic implique une rencontre (au sens d’aller vers, communiquer, écouter, échanger, partager) avec le patient et sa famille.

Cette rencontre débute dès l’instant de la suspicion, qu’elle émane du patient, de ses parents ou d’un professionnel. Elle ne se limite donc pas au seul moment de l’annonce mais déjà bien avant et bien après. Elle ne peut se concevoir que sur le moyen et le long terme.

Son caractère particulier réside dans le sujet : l’annonce d’un diagnostic de déficience chargée du mot « handicap ». Il s’agira toujours d’une rencontre que les uns et les autres préfèreraient ne pas avoir à vivre mais elle sera demandée par le patient ou sa famille parce qu’il veut savoir et par le professionnel, parce que cela fait partie intégrante de sa fonction.

Chaque annonce sera unique. La rencontre sera influencée par la personnalité de chacun, selon ses attentes, son savoir, son vécu, ses émotions et ses peurs.
Pour ce faire, le professionnel peut être confronté à divers questionnements tels que : « Ai-je des difficultés à annoncer le diagnostic et pourquoi ? Quelles représentations et expériences personnelles (positive, négative) ai-je de la déficience, du handicap et de ses conséquences ? » (…)

Toute rencontre nécessite aussi une préparation. Que dois-je annoncer ? Quel est mon rôle ? Qu’ai-je à ma disposition pour m’aider (documents, équipe, soutien) ?

Une rencontre demande également une connaissance des partenaires, du contexte et de leurs attentes. Qui sont les personnes que je dois rencontrer ? Face à quelles réactions émotionnelles serai-je peut-être confronté ? Que peuvent attendre les patients ou les parents d’une telle rencontre ?

C’est après s’être posé ces questions et bien d’autres encore que l’annonce pourra donner lieu à une rencontre, un réel dialogue où chacun sera informé, écouté et reconnu dans son rôle.

Enfin, annoncer, c’est préparer un futur qui implique la mise en place d’une relation basée sur l’accompagnement du patient et de sa famille, de manière optimale et sous toutes les formes possibles, quand bien même le diagnostic ne serait pas encore posé. En effet, l’absence ou l’attente d’un diagnostic peut être un moment de vie tout aussi éprouvant.

Ce sont tous ces aspects que ce site propose d’aborder chronologiquement avec vous.

  • Françoise (Maman) :

    J’ai tout de suite vu qu’il se passait quelque chose. J’étais effondrée. Le pédiatre a dit qu’il y avait une suspicion de trisomie puis il a disparu derrière une plante verte. (3)

  • Marie (Maman) :

    La rencontre avec le pédiatre pour l’examen de Jérôme avant la sortie de la maternité a été un élément moteur dans notre acceptation du handicap : il a fait preuve d’humanité, doutant peu de l’issue du diagnostic, nous disant que nous étions solides et que nous saurions élever cet enfant, qu’il fallait le stimuler, s’occuper de lui parce qu’il avait des potentiels à développer. (4)

  • Nathalie (Maman) :

    … Au hasard d’une demande en halte-garderie pour permettre à ma fille d’être au contact d’autres enfants, je fais une rencontre, « LA » rencontre, avec une directrice de crèche qui me prend sous son aile et accepte Appolline quelques heures par semaine. Au fil des semaines une communication s’installe entre nous et elle finit par me demander de quelle prise en charge bénéficie Appolline. Je ne sais pas quoi répondre puisqu’il n’y en a pas. Elle fait son carnet d’adresses, me conseille, me prend des rendez-vous avec mon accord. C’est le début d’un second souffle où quelqu‘un nous tend la main. Au fil des démarches, des nouvelles rencontres, l’horizon s’éclaircit car nous ne sommes plus seuls. (5)

  • Marilyne (Maman) :

    Ce que j’ai ressenti, c’est que nous pouvions compter sur ce médecin pour nous apporter tout ce qu’il se sentait en mesure de pouvoir nous apporter. Tout ça mais aussi rien que ça : pas une expertise à opposer à nos espoirs ou aux repères que nous construisions, mais bien un interlocuteur. Pas un Distributeur de Vérité(s), mais l’écho critique de nos propres réflexions. Pas un faiseur de miracles… juste quelqu’un qui sait de quoi il parle. (81)